Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le café Philo de Nouméa
9 octobre 2009

Dissertation sur la session du mardi 6.10.2009 sur le thème : la rancune est-elle un moteur plus puissant que l'amour?

Le sujet nous concerne tous tant la rancune est un sentiment partagé par l'immense majorité. Nous avons tous, dans un coin de notre mémoire, un événement non digéré qui nous conduit à éprouver une rancune, voire une rancoeur ou plus fort, une haine à l'encontre de quelqu'un ou de quelque chose.

La rancune est vécue par un sujet qui estime avoir subi un préjudice et dont il va tenir grief à l'auteur de cette injustice qui l'a lésé. C'est bien sûr la personnalité de ce sujet qui va constituer le grief et le définir comme un objet de rancune. La subjectivité prime dans la création d'une rancune, chacun à cet égard, en fonction de sa nature, de sa culture, de son éducation, de ses croyances, va tenir un fait pour un grief, avec toutes les gradations d'importance qui l'entoure, tandis que d'autres ne vont pas le retenir comme tel et laisser couler l'histoire.

La rancune est l'expression d'un mécontentement, d'un ressentiment, d'une colère rentrée, d'une mauvaise pensée. Dans son cas extrême, elle donne lieu à une rumination, à un désir de vengeance souvent refoulé, qui produisent une absence de paix intérieure chez le sujet. La rancune fige une émotion, la stocke, la tient en vie en la cristallisant comme présente dans la mémoire. Il y a bien sûr une rancune légère, qui sans être omniprésente ni obsessionnelle, reste latente bien qu'active et la rancune tenace, manifestée, expansive, prenante.

Mais la rancune ou l'amour sont ils vraiment un moteur? On dit généralement que c'est le désir qui est le moteur et la force de toute chose. C'est lui qui donne le mouvement et il semble que ça serait lui dans la rancune, en tant que désir de se venger ou désir de conserver un ressentiment et de ne pas pardonner, qui soit le moteur réel. De même que dans l'amour, le moteur semble être le désir de paix et de bien-être, qui pousserait à pardonner pour restaurer un équilibre seul garant de l'accomplissement de ce désir.

Le sujet nous interroge de surcroît sur la possible quantification de la force de ce désir. Est-il plus productif de la part de la rancune ou de l'amour? Et surtout, en vertu de quoi, de quel étalon, pouvons-nous le quantifier? Quel est l'objectif en vue duquel on pourrait juger de la plus grande importance de l'un que de l'autre?
Peut-on même quantifier l'énergie d'un état d'être? Surtout en précisant qu'il y a forcément des niveaux de rancune et d'amour qui différent en fonction des gens, des caractères, des situations...

Il nous faut aussi aborder la question de la justice puisque c'est en vertu de ce principe que l'on estime qu'il y a un grief susceptible d'être retenu pour constituer une rancune. L'ego décide, au regard de son propre univers personnel, qu'il y a un fait qui l'a blessé et qu'il faut dès lors une réparation pour équilibrer cet outrage. Le sentiment de se sentir blessé, atteint, touché nous appartient en propre. Parfois l'acte est flagrant, mais parfois, le fait n'est reconnu que du coté de l'offensé tant c'est sa subjectivité qui a été heurtée et que celui qui aurait porté le grief, n'est même pas au courant d'avoir agi de la sorte...

Il y a donc un ressentiment accusateur qui réclame réparation, excuse, équilibrage afin de restaurer un ordre pré-grief. Dès lors, que cela n'est pas possible pour de multiples raisons, que le sujet "offensé" ne peut exprimer son mécontentement, le refoulement conduit à la rancune, voire plus. Le non dit s'installe avec une frustration et la rancune devient cette émotion toxique portée dans son être.

Le désir de vengeance peut alors poindre, comme une réminiscence de la loi du talion.

Mais au regard de notre sujet, nous devons essayer de comprendre quel moteur et vers quoi, ce moteur est-il le plus puissant?
Si le fait incriminé est un fait négatif, que la rancune est une émotion négative, et qu'une vengeance est portée, nous tombons dans le négatif à tous niveaux. Les deux parties subissent ce type d'énergie, la violence -même subtile de la réaction- active une situation qui peut faire naître désormais du ressentiment chez la partie subissant la vengeance. Le feux de la haine est attisé... La situation s'enlise et n'est pas pacifiée.
Si le fait incriminé est négatif mais qu'au lieu de la rancune, on utilise le sentiment d'amour, qualifié de positif, on neutralise ainsi le premier niveau du fait. L'amour permettant le pardon, l'excuse, l'oubli -même relatif- il y a un mouvement vers l'avant qui pacifie. L'autre est pardonné, en agissant ainsi, on s'allège d'un poids et l'on gagne en humanité. On dit même que le pardon fait grandir...

Ce type de schéma largement connoté par notre culture chrétienne nous rappelle combien le message christique a permis une avancée dans le mode relationnel humain. A travers son option d'amour, ses paraboles telle que celui de la lapidation de Marie-Madeleine "que celui qui n'a jamais pêché jette la première pierre", nous invite à la compréhension, à la tolérance, à l'ouverture et à la paix. En effet, en admettant que la faute soit fondée et que l'on soit digne d'être reconnu comme lésé, il reste encore l'option du pardon. L'erreur étant humaine et puisque nous partageons le genre humain, nous devons accepter la possibilité d'une telle éventualité. Et surtout, que nous pourrions aussi par quelques aléas de l'histoire, produire quelque chose qui causerait aussi du grief à autrui.

Ainsi donc, le chrétien, cherchant à mieux vivre avec ses frères, comprend la logique de l'humanité en voie de perfection. Il déclare "Père (...), pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés..."

Puisque nous sommes dans le cadre de la philosophie dont l'objectif est l'acquisition de la Sagesse et que celle-ci n'est possible que dans le cadre d'un coeur en paix, on peut constater que l'amour et son désir de pardon sont un moteur plus puissant au regard de cet objectif d'équanimité et de tranquillité intérieure que ne l'est la rancune.
Quant à la philosophie Bouddhiste, elle constatera que finalement, la rancune n'est possible que dès lors qu'il y a un ego attaché à sa petite personne. Cet attachement produit le sentiment d'offense et le besoin de défense qui lui a trait. Gommez l'ego et la rancune n'existe pas. Seule reste la compassion du Soi pour tous les êtres sur tous les plans

Publicité
Publicité
Commentaires
C
un résumé consiste à synthétiser les idées principales du débat.<br /> colette alonso
Le café Philo de Nouméa
Publicité
Le café Philo de Nouméa
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Publicité