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Le café Philo de Nouméa
6 mars 2010

session du mardi 2 mars 2010 sur Identité et Symboles : une réflexion

Ce n'est que par une mise en lumière du concept d'identité que l'on pourra ensuite le remplir d'un certain nombre de paramètres constitutifs d'une identité particulière. Celle-ci donnera alors logiquement les moyens d'identifier un certain nombre de symboles se rapportant à cette identité singulière.

Malgré son actualité récurrente, la question de l'identité ne va pas de soi, tant au niveau individuel qu'au niveau collectif. A-t-elle même une réalité au sens où, dès qu'on se pose la question de l'identité, celle-ci se dilue dans un flou, révélateur ? Les moyens d'identifier cette identité d'une manière objective font cruellement défaut. Personne n'est d'accord pour les définir clairement et surtout, ils ne rencontrent pas l'unanimité. La langue est-elle l'élément déterminant la race, le sang, la culture, la terre, l'histoire... Tous ces éléments ne sont-ils pas évolutifs tandis que d'autres sont irréels, puisque complètement construits par des représentations imaginaires. Les fictions et les mythes façonnent pour rassembler. Mais au-delà de cette cohésion, peut-on parler d'identité ? L'identité n'est-elle pas en perpétuelle redéfinition, laissant entendre que ce manque de permanence empêche tout fondement de critères objectifs pouvant la structurer. Autrement dit, l'identité peut-elle être rattachée à une chose « réifiable», un objet que l'on pourrait reconnaître? A moins qu'il ne faille se satisfaire de cette incertitude quant à savoir qui nous sommes ? A moins encore que cette impermanence de cette identité "introuvable" soit la seule certitude salvatrice quant à notre nature d'êtres transitoires vers le devenir...

Dès lors, quand on pose certains critères finalement retenus, la franchise doit reconnaître qu'ils sont la conclusion subjective d'un groupe donné, ayant produit une certaine vision symbolique qui leur tenait à cœur. Que l'univers mental relatif à cette vision vienne de la classe sociale, de l'ethnie, d'une culture, d'un groupe... elle reste forcément subjective et de surcroît largement inconsciente.

Au niveau individuel, l'identité n'est-elle pas un fantasme, une illusion que l'on se donne dans une attitude puérile de faiblesse de caractère ? Ce désir de se donner une identité, des marques de reconnaissance vis-à-vis d'autrui, n'est-elle pas le fruit d'une immaturité fondée par le pouvoir du "je". L'ego cherchant toujours à se distinguer et à se séparer. L'identité est toujours une opposition fondée par la différence d'avec l'autre et revendiquée avec une certaine défiance ostracisante.
Ce goût pour l'identité n'est-il pas le signe d'un attachement à des référants extérieurs,  à des démonstrations manifestées, à un "moi j'existe à travers ces signes que je témoigne et qui disent "je suis" ? L'homme qui EST n'est pas dans l'AVOIR d'une personnalité qu'il placarde dans son paraître à l'égard des autres. Il EST et cela lui suffit. Il ne revendique ni ne prouve son être par des signes. Il EST et agit en fonction de son être et son attitude parle pour lui, l'identifiant plus sûrement que n'importe quels signes identitaires.  Son intérêt même ne se porte pas sur cet aspect superficiel de son être, qui relève pour lui d'une conscience puérile occupée à parader et à montrer.

L'homme qui recherche la sagesse se porte naturellement vers le détachement des signes ostentatoires pouvant encore le raccrocher à une forme trop rigide. Son élévation le conduit à l'universel, et bien qu'il s'y hisse depuis une singularité individuelle incontournable, il ne cherche plus à la structurer, à la consolider, à la revendiquer et donc à la défendre. Il comprend que l'identité est une prison que l'on construit pour mieux s'isoler et se distinguer et qu'il faut ensuite maintenir et animer. Cette entreprise est une dépense d'énergie consistant à tenir une étiquette que l'on se donne et à laquelle on s'accroche comme garant de notre existence. A cet instant, l'identification à la personnalité et à son identité est une mainmise de l'ego sur l'être réel. Un égarement par rapport à un but plus noble.
Or le philosophe cherche ce qui est permanent, ce qui existe vraiment. Sa quête est ontologique au sens le plus classique où seul l'être est digne de se voir enquêté. L'ego et ses facettes hypnotiques, ses identités multiples construites n'ont d'autres valeurs que celles d'«étants» illusoires.

D'une certaine façon, l'identité renvoie à la question existentielle fondamental du "Qui suis-je ?"
Et si nous ne sommes pas nos idées, notre mental, nos émotions, nos sentiments, ni les énergies qui traversent notre corps physique, mais que nous sommes le témoin de tout cela, en tant qu'être, alors à quoi renvoie l'identité ? Qui est identifié ? Et qui est celui qui identifie ? Est-ce l'ego qui s'identifie lui-même, cherchant des signes de son existence illusoire à revendiquer vis-à-vis de l'être qui le génère ? Si l'on ne sait même pas qui est celui qui identifie, quelle valeur cela peut-il avoir ? Le petit moi peut-il parler avec autorité du Soi?

Le philosophe en quête de Sagesse ne cherche pas dans cette direction car il veut au contraire déconstruire les murs de cette prison identitaire qui enferment et circonscrivent. Sa conscience veut être libre des limitations de cette autre peau qu'est l'identité : construite et/ou héritée. Son voyage est intérieur pour se découvrir nu et universel et non tourné vers l'extérieur et ses apparats passagers. Alors, la quête peut donner des symboles qui illustrent la vraie nature que nous sommes, débarrassée des oripeaux conjoncturels et temporels. Ce sont des symboles universels eux aussi, qui unissent plus qu'ils ne séparent.

Ce processus n'est-il pas le même dans le cadre du collectif ? L'identitaire nationaliste (même quand on s'en défend), les signes affichés et revendiqués, les querelles qui s'en suivent face à une éventuelle atteinte à cette fiction construite et perpétuée, tout cela occupe les peuples ! Force est pourtant de constater que si ce processus est actuel, c'est qu'il témoigne encore de l'immaturité de nos nations.  Nous sommes encore à l'âge adolescent, voire d'adulte égoïste tourné vers les signes extérieurs de l'affirmation. Il demeure un besoin grégaire de se sentir appartenir à un groupe, comme fondement d'une sécurité menacée ? L'histoire et ses guerres continuent-elles de hanter notre inconscient au point de forger des frontières physiques et des identités qui ne sont que des frontières mentales...d'abord dressées dans nos consciences ?
Mais alors, à quoi voulons-nous vraiment nous accrocher et nous rattacher pour témoigner de ce que nous sommes ? A quel niveau enquêtons-nous, à quel degré de profondeur cherchons-nous notre nature ? Il faut interroger cette force d'attachement que nous portons à l'identité que l'on définit comme "notre" ? Car la prison commence là.

On pourra nous objecter -à juste titre ?- que ces spéculations planent trop haut pour les peuples qui ont besoin de se structurer avant d'envisager la déconstruction. Que la personnalité doit se forger une identité, l'endosser pour exister même superficiellement, avant de voguer dans cette absence de formes qu'offre l'identité.
A voir... Le philosophe doit voir loin et penser haut pour tirer vers l'idéal. Quand on liste les dégâts qu'a fait cette question de l'identité, déclinée en terme de religion, de territoire, de culture et d'intérêts politico-économiques, de classe, d'ethnie ou de race, on se prête à penser à autre chose de neuf. Quand on constate les manipulations faites sous couvert de l'identité, on voudrait sortir de cette dialectique qui consiste à se construire contre l'autre. Jusqu'ici, l'opposition dans l'altérité a servi de repoussoir identifiant et donc constitutif d'une identité. Ne peut-on s'édifier autrement ? Laissant l'Histoire et son poids lourd dans notre inconscient pour se tourner vers un avenir vierge ? Si "notre identité n'est pas derrière nous", quel horizon voulons-nous voir devant ?

Pourquoi enfermer notre être dans ce qu'il faudra ensuite ouvrir et casser ? Pourquoi se doter et se limiter d'une identité alors que nous devons tendre vers l'infini ? L'éducation n'est-elle pas encore la clef nous permettant dès le départ de prendre le bon pied vers une existence plus libre ? Grâce à  une identité non limitante, dotée de paramètres ouverts, l'être peut s'épanouir et rendre cette ouverture à son peuple et sa nation pour un destin commun lumineux. Finalement,  le vivre ensemble ne peut-il se définir immédiatement comme universel plutôt que d'abord communautaire ou national ? Et n'est-ce pas que depuis cet universel que l'on pourra sainement descendre dans la reconnaissance de certains traits et caractéristiques indéniables qui peuvent nous indentifier?

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